« Lettre ouverte à ceux qui n’ont pas de toboggan dans leur open space » Interview de Marie Canzano par Petit Web

Lettre ouverte à ceux qui n’ont pas de toboggan dans leur open space

Qui ? 
Marie Canzano fondatrice du cabinet de recrutement Digital Jobs, partenaire de Petit Web.

Quoi ?
Une tribune pour mieux comprendre comment affronter les Gafa sur le terrain des talents, en attirant ceux qui deviendront les meilleurs.

Comment ?

La transition numérique de tous les secteurs de l’économie accentue la pression sur les talents du digital. Les professionnels formés et opérationnels ne seront pas assez nombreux pour répondre à la demande croissante : la France diplôme 1 500 data scientists par an, pour 5 000 à 10 000 postes offerts. Et pour les meilleurs, les pure players seront a priori les mieux placés..

Comment faire quand on n’a pas de toboggan dans son open space ?

Google à Zurich, Microsoft à Vienne, Prestashop à Paris, ils ont tous un toboggan dans leur open space. Vous, non. Face aux géants qui investissent massivement (salaire, equity, retention bonus, RP…) pour recruter les « meilleurs », il faut opter pour d’autres stratégies. « Don’t hire the best, train them » conseille Jack Ma, le fondateur et Pdg du géant du e-commerce chinois à l’occasion d’Alibaba Gateway (voir la vidéo). Plutôt que des profils ultra typés (sur-diplomés, High Pos, compétences digitales…) les entreprises doivent rechercher des états d’esprit : les compétences sont du ressort de la formation.

Identifier les bonnes personnes

Des jeunes ou des moins jeunes avec de l’expérience ? Peu importe. Seuls comptent l’état d’esprit et l’adéquation avec les valeurs du groupe. Et cet état d’esprit, il faut le rechercher dans le comportement. Les outils numériques aident beaucoup dans cette première phase. En 2015, Google a recruté ses développeurs via un « hack » de son propre moteur de recherche : des défis aux personnes qui tapaient des requêtes du type « python lambda function list comprehension ». Le processus de recrutement classique s’enclenchait si les tests étaient concluants.

Des start-up surfent sur la vague du machine learning et de l’intelligence artificielle pour remplacer l’écoute et le suivi personnalisé par un algorithme. Ainsi, Scoutible un jeu vidéo de 20 minutes basé sur une intelligence artificielle, évalue les futures performances d’un candidat dans l’entreprise. Dotin.us utilise les données sociales (photos, interactions sur les réseaux sociaux) et les données de l’entreprise pour évaluer la personnalité et l’adéquation avec certains types de postes ou de mission au sein de l’organisation. Dans les grands groupes l’idée fait son chemin. Chez Unilever, une intelligence artificielle pré-sélectionne les candidats depuis plus d’un an. 250 000 y ont eu droit, entraînant une augmentation significative des embauches de candidats non blancs.
Les parcours accidentés sont aussi valorisés, et ça, c’est nouveau. Depuis 5 à 6 ans, des périodes de création d’entreprise apparaissent sur les CV. Assumer l’échec, une levée de fonds ratée, c’est complètement nouveau en France. La première « FailCon, conférence sur l’échec » date de 2009. La nouvelle génération ne se rêve pas fonctionnaire ou cadre dynamique, mais entrepreneur. Confortée par l’entreprise, qui valorise ces périodes, même quand elles se concluent par un dépôt de bilan.

Reste un obstacle de taille pour les RH : comment identifier ces talents potentiels pour le numérique, sans a priori ? Dans les grands groupes, l’aiguille que l’on cherche est souvent dans sa propre botte de foin. Des futurs talents du numérique existent au sein de grands groupes qui trop souvent l’ignorent. Orange utilise RallyTeam, une « place de marché des talents en interne » pour identifier les compétences parmi ses 160 000 employés. Mais au-delà des compétences, il faut impérativement pouvoir évaluer les « soft skills » de ces futurs candidats à la mobilité interne. Il y a urgence à faire évoluer les fonctions RH des grands groupes : les motivations des candidats au numérique ont changé, ainsi que l’évaluation de leurs forces et faiblesses.

Dépoussiérer la formation

La formation initiale compte pour 10%, le reste c’est de l’apprentissage sur le terrain et du mentoring.

Depuis une dizaine d’année, les « graduate programs » se développent au sein des grandes entreprises, à destination des jeunes diplômés à haut potentiel. Ils ouvrent la voie à une nouvelle méthode de formation accélérée et transverse : les stagiaires ont des missions de 6 mois dans toutes les départements du groupe en France et à l’étranger. Objectif : polyvalence et fidélisation des talents.

De nouvelles formations adoptent un format plus court, pour répondre à des emplois du temps saturés et à la bataille pour l’attention. Le « micro-learning » propose des vidéos de quelques minutes à consommer comme un « snack » à la mode Snapchat ou Instagram. Aux Etats-Unis, la plateforme de formation en ligne Udacity développent des « nano-diplômes« . Le collaborateur se forme, puis travaille pendant un an ou deux, pour acquérir sur le terrain de nouvelles aptitudes, dans un cycle travail / formation / travail / formation.

Accepter le travail hors les murs

Versatiles, les jeunes générations ont tendance à enchaîner les expériences de 2 ou 3 ans en considérant chaque job comme une étape d’enrichissement personnel. Et là, les grands acteurs de la Silicon Valley ne sont pas mieux lotis que les autres : la moyenne chez Google, Facebook ou Airbnb ne dépasse pas les 2 ans.

Pour répondre à cette génération qui valorise l’expérience plutôt que la sécurité, l’entreprise pense « hors les murs ». Le toboggan dans l’open space est alors remplacé par le dépaysement. Ainsi, BNP Paribas avec la start up OscarH, a envoyé ses talents en mission temporaire au sein de start-up pour une véritable mission (lire article de Petit Web à ce sujet).

A l’ère du télétravail, des freelances et des espaces de coworking, les grands groupes s’adaptent : certains salariés de Nexity peuvent négocier un éloignement avec leur société, en se connectant avec elle dans des espaces de coworking, comme The Camps à Aix-en-Provence, mais aussi WeWork ou Spaces. Ils appartiennent alors à deux communautés professionnelles.
Dans un univers où les technologies redessinent les RH, le travail de chasseur de tête n’a jamais été aussi artisanal. Notre nouveau rôle ? « Architecturer » les organisations du futur et marier délicatement les générations du numérique et celles plus expérimentées des métiers traditionnels.

Marie Canzano

ceux qui n’ont pas de toboggan dans leur open space

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