Intelligence Artificielle : derrière les mots

L’enjeu de cet article est simple : plonger dans la réalité de l’IA. Non pas être dans la prospective voire dans le mythe mais, véritablement comprendre qui sont les acteurs privés de l’IA aujourd’hui en France et que font-ils.

Grâce à mon travail actuel (chasseur de tête spécialisé dans le digital), j’ai pu échanger avec une soixantaine d’experts seniors en IA/Big Data du secteur privé (software, startup, grand groupe). En toute humilité, je tente d’extraire la sève essentielle de ces différents échanges pour répondre à 3 questions autant pragmatiques que fondamentales :

  • Qui sont les des acteurs de l’IA en France ?
  • Quelles typologies de projets en IA sont délivrés aujourd’hui ?
  • Comment s’organisent les équipes dans les départements IA ?

 I. Les acteurs de l’IA

Il s’agit, non pas d’identifier les acteurs français, mais tous les acteurs privés qui sont impliqués dans le développement de l’IA en France.

En préambule, il ressort que le marché de l’IA peut se décomposer en 5 thématiques distinctes :

  •  Le traitement du langage (chatbot…)
  • Le traitement de l’Image (médicale, surveillance)
  • L’analyse Data (Data Science et machine learning)
  • Le raisonnement automatique (Systèmes experts et programmation opérationnelle)
  • La robotique

Les acteurs de l’IA sont soit spécialisés sur une de ces thématiques soit peuvent en englober plusieurs. Il n’est donc pas possible de réaliser une cartographie du marché de l’IA en France à partir de ces spécificités techniques. J’ai donc choisi de partager le marché en 4 typologies d’acteurs : le conseil, les sociétés technologiques & les plateformes, le client final et les startups.  

1. Le conseil

Il s’agit des cabinets de conseil ayant intégré des équipes Data Science et de Data Ingénierie (Sia Partners, Accenture, Capgemini, BCG Gamma, etc.) et les cabinets de conseil IT ayant intégré une Practice Big Data / AI (comme Xebia, Octo, etc.)

Les structures conseils matures étant celles qui ont réussi à intégrer des profils spécialisés en ingénierie (comme les Data Architects ou les Data Engineers). Il n’est pas possible de délivrer des projets solides en Big Data en intégrant uniquement des Data Scientists.

Les practices IA sont peu nombreuses et ont globalement moins d’un an d’existence (c’est le cas chez Accenture). Les équipes sont encore en construction.

Bref pour résumer, beaucoup de prise de paroles et peu de « doers ».

  1. Le Software et les sociétés technologiques

Nous pouvons citer IBM, Google, Microsoft, Invidia, Intel, Facebook, Amazon, Apple parmi les plus matures. Google étant l’acteur le plus avancé, en pleine accélération sur le marché français…

Certaines de ses structures peuvent s’appuyer sur leurs réseaux de Laboratoires privés présents en Europe :

  • Berlin pour Amazon
  • Paris et Cambridge pour Microsoft
  • Dublin, Zurich pour IBM
  • Paris pour Facebook
  1. Le client final

Parmi les secteurs les plus matures en IA sont cités : la finance, l’automobile, l’industrie et la santé.

Globalement la France est très en retard par rapport à l’Asie (citons la holding Softbank au Japon, Alibaba, DJI et Tencent en Chine) ou les Etats Unis.

Ces douze derniers mois beaucoup de « Direction IA » sont apparues dans les organisations des grands groupes. Il est néanmoins nécessaire de faire le tri entre les articles de communication et la réalité du delivery. Les groupes qui communiquent le plus ne sont pas ceux qui délivrent le plus de projets en IA…

  1. Les startups et plateformes

La majorité des startups en IA comptent 10/20 personnes. Quelques noms se détachent : Snips, Tinyclues, Cardiologs, etc.

Voici une cartographie assez complète :

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 II. Les projets mis en œuvre au sein des grands groupes

Pour évaluer la maturité du marché français, j’ai décidé de concentrer mes recherches sur les grands groupes.

La révolution Big Data au sein des grandes entreprises a souvent germé dans les « Labs ». Nous notons désormais, pour les acteurs souhaitant passer dans une phase d’industrialisation, une réintégration des expertises Data au sein des Directions Métiers (logique « Factory »).

Voici, classés par secteur, des exemples de problématique ayant nécessité le déploiement de technologies IA en France (Machine / deep learning) :

  • Manufacturing: maintenance prédictive, optimisation production et risk, analyse des ventes, smart grids, IoT, etc.
  • Aérien: maintenance prédictive, modèle de prévision / scheduling à destination du personnel naviguant ou de l’exploitation au sol, le revenue management, gestion des opérations aériennes (programmes de vol), systèmes embarqués.
  • Finance: analyse automatique des contrats, techniques de reconnaissance vocale, chatbot, prévision du taux de churn, connaissance client / analyse comportementale, lutte contre la fraude / blanchiment d’argent, scoring de news, data quality management, prévision évènements clients (mariage, décès…), etc.
  • Energie: maintenance prédictive, asset management & opérations, analyse du comportement client, structuration sourcing énergie (optimisation des moyens de production et de stockage, prédiction de consommation), relation client, etc.
  • Santé: analyse des dossiers médicaux et l’aide au diagnostic (cf. Google Deepmind Health Project), plans de traitement à l’image (cf. IBM Watson), outils de prévention automatisés (aussi bien pour la direction de l’hôpital que pour les patients).
  • Retail : gestion espace vide, système d’analyse du comportement client, géolocalisation, chatbot, etc.
  • Automotive : monétisation / développement de nouveaux services à partir de la donnée des véhicules connectés, prédiction des pannes, etc.

Les grands groupes font encore face à des enjeux de taille liés à l’infrastructure IT, la fiabilité et la disponibilité des réseaux, la sécurisation des données, l’acculturation aux méthodologies agiles et évolutives, l’utilisation du Cloud (et de l’Open Source), le jeu d’influence entre DSI et BU Métier, etc. … La phase d’industrialisation n’est concrètement pas pour demain.

 III. Organisation type d’un département en IA

En comparant plusieurs organisations à l’étranger et en France, je suis parvenu à dégager une « organisation type ». A terme, les départements IA seront globalement organisés de cette manière.

Pour couvrir la chaîne IA de A à Z, trois typologies d’équipes doivent généralement être intégrées dans un département IA :

  • Une équipe « Recherche »

Expert NLP, Social / Behavioural Sciences Experts, etc. pour la plupart des doctorants.

  • Une Equipe « Delivery »

Pouvant être subdivisée en 3 catégories : POC/prototypage, implémentation, et optimisation continue.

Composée de Data Engineers, Data Architects, développeurs, software engineers, etc.

  • Une équipe « Métier »

Business analysts, Program Manager, Data Scientists, UX designers, Change makers, etc.

Pour ce qui est de la tête des départements, il n’y a pour le moment pas de profil type qui ont été intégrés.

esprit_d_equipeLes profils maîtrisant de « A à Z » la chaîne IA (de la Recherche au Delivery) sont très rares et très chers (car souvent américains ou chinois). Pour pallier à cette pénurie, certains grands groupes intègrent à la tête de leur département IA deux têtes dirigeantes : un profil « technique » (doctorant) et un profil « métier » (avec une très bonne compréhension des enjeux business).

Ces 6/8 derniers mois, les titres de « Directeur de l’IA » ont fleuri sur les réseaux professionnels, il faut donc être vigilant. « Il y a de tout » comme chez les data scientists.

Aujourd’hui les marchés américains et chinois sont complètement saturés, cette guerre des talents entraîne une envolée des salaires. Le salaire d’un Chief IA dans la Silicon Valley peut ainsi dépasser le million de dollars.  En Europe, il est encore possible de trouver de très bons profils autour de 150/250 k€. Si cela peut vous rassurer… !

Autre impact à moyen terme de cette guerre des talents : les professeurs deviennent une ressource rare (car de plus en plus chassés par le secteur privé).

Autre information importante, je pense que les directions IA ne seront plus rattachées à la DSI mais à des directions globales (mondiales). De telles initiatives sont déjà visibles en France. La guerre d’influence est déjà visible.

Conclusion

En conclusion, la France attire les investissements et les talents y sont nombreux. Des initiatives prometteuses sont lancées par les plateformes et les startups. Néanmoins, la marche reste longue avant que les grands groupes français soient capables de délivrer des projets en IA.

La maturité des acteurs sur le Machine learning est globalement satisfaisante mais, sur des projets plus spécifiques (intégrant par exemple le deep learning), nous sommes encore dans des phases de POC, parfois de delivery, rarement d’industrialisation.

Au-delà de la maitrise des technologies, l’enjeu principal aujourd’hui est celui du change management.

 

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